“Êtes-vous enceinte ?”
Oui, vous qui lisez cet article…
“Êtes-vous syndiqué” ?
“Quelle est votre religion ?”
Comment réagiriez-vous si on vous posait l’une de ces questions lors d’un entretien d’embauche ?
Ces questions, et bien d’autres, n’ont pas leur place dans un entretien de recrutement. Ces questions interdites n’ont aucune utilité pour déterminer la compétence d’un candidat pour le poste, et peuvent en revanche être discriminatoires.
Notre mot d’ordre aujourd’hui ? Haro sur les questions déplacées et discriminatoires ! Faisons le point sur les devoirs des recruteurs et les droits des candidats, pour recruter sans discriminer.
La finalité du recrutement ?
Recruter, c’est réussir la rencontre entre les besoins d’une entreprise et les aspirations profondes d’un candidat.
Pour être certain de réaliser un “match” (presque) parfait, vous allez – en parfait recruteur que vous êtes – interroger le candidat sur ses compétences, ses hardskills comme ses softskills, vous appuyer sur une vision 360° en lui parlant de son passé, son présent et son futur…
…Et risquez de vous prendre les pieds dans le tapis en lui posant, en toute bonne foi, certaines questions que la loi réprouve (quand ce n’est pas une question de morale). Un recruteur averti en valant deux, voici donc un rappel exhaustif du cadre législatif, et des questions qui ne peuvent et ne doivent pas être posées.
Que disent les lois en matière de non-discrimination ?
Les lois sont prolixes pour rappeler le principe de non-discrimination dans différents domaines, et notamment celui du recrutement. Toutes ont pour finalité d’encadrer, et éviter, la discrimination à l’embauche en permettant de sanctionner les critères jugés hors de propos et les situations où un candidat est écarté en vertu d’un critère qui ne relève pas d’un contexte professionnel mais personnel.
Nul recruteur n’étant censé ignorer la loi…
Nous pourrions remonter à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 stipulant que les hommes naissent libres et égaux en droits… Mais cela ne ferait revenir un peu trop loin.
Focalisons plutôt notre attention sur les articles majeurs de notre actuel Code du Travail, incontournables sur le principe de non-discrimination :
- Article L1132-1 : « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations […]. »
- Article L. 1221-6 : « Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles. Le candidat est tenu de répondre de bonne foi à ces demandes d’informations. »
- Article 225-2 du code pénal : « La discrimination à l’embauche est punie de 3 ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende. »
- Dernier article requérant votre vigilance absolue : en vertu de l’article L 1134-1 du code du Travail, si le juge estime que les éléments apportés par le salarié indiquent un cas de discrimination, ce sera alors au recruteur de prouver que son choix d’écarter le candidat reposait sur des éléments objectifs et non-discriminatoires.
Voilà de quoi rappeler à tout un chacun que le recrutement se doit d’être éthique, n’autorise aucune sortie de route, et requiert de garder la tête bien froide une fois venu le moment de sélectionner un ou plusieurs candidats.
Les critères discriminatoires vous éviterez
Il est strictement interdit de discriminer un candidat sur la base de son âge, de son genre, de son origine, ou encore de sa situation familiale… Si ces critères sont généralement connus de tous, ce n’est pas toujours le cas des 24 critères reconnus et sanctionnés par la loi comme discriminatoires.
- Le sexe
- Le nom de famille
- L’origine
- La grossesse
- La situation de famille
- L’apparence physique
- Le lieu de résidence
- L’état de santé
- L’handicap
- Les caractéristiques génétiques
- Les mœurs
- L’orientation sexuelle
- L’identité de genre
- L’âge
- Les opinions politiques
- Les activités syndicales ou mutualistes
- L’appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie,
- L’appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une prétendue race,
- L’appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une nation,
- Les convictions religieuses
- La perte d’autonomie
- La particulière vulnérabilité de la personne, résultant de sa situation économique apparente ou connue
- La capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français
- La domiciliation bancaire.
Le Top des questions interdites
Après la théorie, la pratique. La règle du jeu est de rester focus sur l’évaluation professionnelle du candidat, pas sur sa vie privée. Facile nous direz-vous ?
Voici ci-dessous une liste de 20 questions. La plupart figurent parmi les questions interdites en entretien d’embauche…
Toutes ? Non, nous y avons caché quatre questions autorisées. Saurez-vous les retrouver ?
- Avez-vous des enfants ? Quel âge ont-ils ?
- Envisagez-vous une grossesse dans les prochains mois ?
- Quelle est votre situation familiale ? Marié, célibataire, divorcé ?
- Votre conjoint travaille-t-il ? Quel poste occupe-t-il ?
- Quels sont les outils sur lesquels vous avez déjà travaillé ?
- Avez-vous des problèmes de santé en particulier ?
- Pouvez-vous nous fournir votre dossier médical ?
- Etes-vous monogame ?
- Quelle est votre orientation sexuelle ?
- Quelles sont vos croyances/convictions religieuses ?
- Etes-vous syndiqué ? Affilié à un parti politique ?
- Quelle est l’origine de votre nom ?
- Quel est votre poids et taille ?
- Quelles sont vos prétentions salariales ?
- Pensez-vous que votre âge puisse être un obstacle pour le poste ? En quoi ?
- Qu’appréciez-vous le plus dans votre poste actuel ?
- Mangez-vous de tout ? Etes-vous vegan ?
- Faites-vous partie d’une association ?
- Pouvez-vous m’en dire un peu plus sur votre parcours ?
- Avez-vous un casier judiciaire vierge ?
Comme on est sympas, voici la réponse. Il s’agit bien entendu des questions 5, 14, 16 et 19.
Notons tout de même que certaines questions qui sont a priori discriminatoires ne le sont pas toujours : selon le contexte et l’impératif du poste, elles peuvent être objectivement et raisonnablement justifiées pour un but légitime pour un poste donné. Ainsi la question 13 peut s’avérer judicieuse dans le cas où l’apparence physique est une exigence professionnelle (par exemple pour une activité de mannequin). Tout comme la question 20 autorisée par exemple pour le cas d’un vigile dont la profession est soumise à une autorisation préfectorale.
Recruteurs : comment recruter sans discrimination ?
Un bon chasseur (de talents) sachant chasser, sait chasser sans discriminer.
- A vous ainsi d’écarter le piège du clonage et de la discrimination en ne réduisant pas le poste à un profil prédéfini : définissez précisément votre besoin, en vous concentrant sur les missions et les conditions précises requises.
- La structuration de votre processus de recrutement vous permet de viser davantage d’objectivité, de transparence et de traçabilité. Professionnalisez et cadrez vos pratiques au moyen de fiches de poste, de conducteur d’entretiens, de tests de mise en situation similaires, de compte-rendus… Gardez les précieusement, pendant cinq ans (durée de prescription de la discrimination).
- En élargissant le champ de recherche de vos candidats (par exemple en ne vous restreignant pas sur un panel serré d’écoles), vous limiterez moins vos choix à vos standards classiques et vous ouvrirez à la diversité. Vous aurez en outre logiquement davantage de candidatures.
- Vous pouvez également choisir d’anonymiser les candidatures.
- Optez pour la sensibilisation et la formation de vos recruteurs afin qu’ils décèlent les questions discriminantes qu’ils auraient pu poser ; et qu’ils élaborent une trame de questions objectives, en rapport avec la bonne tenue du poste dans l’entreprise uniquement.
- Vous n’avez pas retenu un candidat ? Il convient dans votre compte-rendu, et debriefing, d’être en mesure de justifier par des éléments objectifs, inhérents à la non-compatibilité avec les attendus du poste.
Première étape vers un recrutement plus objectif, donc : structurer vos processus de recrutement. Et cela commence par la rédaction de fiche de postes aux petits oignons.
Pour ce faire, nous vous avons concocté un article complet…
Vous pourrez également générer directement votre fiche de poste sur-mesure ici :