Interview de Pierre Vannier - Flint
L’épidémie de coronavirus a bouleversé le quotidien des Français et par conséquent leur manière de travailler. Les entrepreneurs ont ainsi dû s'adapter à cette époque si particulière pour continuer de faire fonctionner leurs entreprises. C’est notamment le cas de Pierre Vannier, fondateur et CEO de Flint, une société spécialisée dans les services Tech et RH. “Il y a deux choix, soit on se regarde couler, péricliter ou avoir de moins en moins de business, soit on essaie d’innover”, témoigne-t-il sur Le Pupitre. Pour cet ingénieur informatique, la deuxième option s’est imposée naturellement.
Ce passionné de technologie a tenté plusieurs approches avant de trouver la réponse adéquate à la problématique Covid-19. “Si on ne se plante pas assez, c’est que l’on n’a pas assez essayé”, souligne celui qui a modifié son offre pour être en adéquation avec les nouvelles attentes engendrées par la pandémie. L’arrivée du virus en France s’est faite en trois étapes pour Pierre Vannier et son entreprise : la stupéfaction, l'adaptation et l’innovation.
“Le trésor d’une entreprise c’est ses collaborateurs”
Pierre Vannier - GetPro
Tous les collaborateurs étant munis d'ordinateurs portables, “on pouvait passer en remote total très facilement”, confie le chef d’entreprise. Mais pendant cette “période anxiogène”, sa priorité était de préserver la santé mentale de son équipe. “Le trésor d’une entreprise c’est ses collaborateurs”, assure le fondateur de Flint, qui était une jeune entreprise d’un an à peine lors de l’arrivée du coronavirus. Ainsi, il n’y avait pas encore de charte de télétravail. Celle-ci a été mise en place au fur et à mesure afin que l’activité puisse perdurer. “Mettre les gens en chômage partiel aurait été mortifère”, assure Pierre Vannier.
Plus qu’une composante d’outils, la contrainte du passage en télétravail est “avant tout une composante humaine, psychologique et d’état d’esprit”, indique-t-il. “La pandémie nous a précipité dans des changements structurels, organisationnels (...) sans y être préparés”, admet celui pour qui il existe trois catégories d’entreprises :
- Celles qui offrent un modèle hybride avec à la fois du télétravail et du présentiel
- Celles qui sont complètement remote et qui ont vocation à le rester
- Celles qui vont revenir (ou sont revenues) en total présentiel
Pour Pierre Vannier, le schéma le plus complexe est celui de l’hybride, car il crée “des problèmes sociaux, organisationnels et de management”.
Comment le remote change le monde du recrutement ?
Flint étant une société de services RH et Tech, elle a accès à “une typologie de sociétés partenaires complètement hétérogène”, indique son créateur. Selon lui, en matière de télétravail “la seule règle, c’est qu’il n’y a pas de règle”. Le remote n’est pas adapté à toutes les entreprises ni toutes les activités, c’est “quelque chose qui se réfléchit en accord et en partenariat avec ses collaborateurs”. De plus, ce fonctionnement va remettre en question des éléments fondamentaux, notamment la culture de l’entreprise, les process internes ou encore la grille salariale. “Est-ce que l’on doit rémunérer de la même façon quelqu’un qui aurait le même poste à Paris qu’en région, où la vie est beaucoup moins chère ?”, s’interroge Pierre Vannier.
Pour ce chef d’entreprise, le remote soulève également des questions profondes sur la culture de l’entreprise comme l’embauche de collaborateurs à l’étranger, dans des pays où cela coûte beaucoup moins cher. “Est-ce qu’on se l’autorise, est-ce que c’est aligné avec nos valeurs ?”. Toutes ces questions sont à prendre en compte afin d’établir une organisation en remote en adéquation avec les valeurs de chacun. Enfin, le télétravail a également mis en lumière le fait que les générations entre Q et X ne maîtrisent pas toujours suffisamment bien l’anglais, regrette Pierre Vannier, pour qui cela constitue “un véritable handicap” pour être efficace à l’international et pouvoir recruter les meilleurs talents du globe.
Comment allier remote et culture d’entreprise ?
Le passage en remote a été rendu possible grâce à la révolution industrielle liée aux nouvelles technologies et à Internet ainsi qu’aux outils de travail collaboratifs qui ont été construits autour d’internet, rappelle Pierre Vannier. Toutefois, cela modifie en profondeur la culture d’une majorité d’entreprises qui était aussi liée au fait de travailler dans le même espace que ses collègues.
Chaque entreprise va ainsi devoir modifier à sa façon sa culture d’entreprise pour que celle-ci s’adapte au remote. Cela passe notamment par l’adaptation des moyens de communication, qui par conséquent se feront davantage par l’écrit que par l’oral. Le fondateur de Flint souligne également l’importance de ne pas abuser des meetings qui selon lui peuvent, à outrance, nuire au travail. “La question n’est pas ‘est-ce qu’il faut se faire un meeting ou pas ?’, c’est se dire ‘pourquoi on fait un meeting ?’”, insiste-t-il.
Et s’il est aussi important de ne pas négliger la culture de l’entreprise, c’est parce que celle-ci commence dès l’onboarding, voire dès la phase de recrutement du candidat.
Quelles améliorations sont à envisager ?
Selon Pierre Vannier, les caractéristiques idéales que devrait avoir une entreprise française qui souhaite être compétitive dans 20, 30 ou 40 ans sont :
- La maîtrise parfaite de l’anglais, et pourquoi pas en faire la langue officielle de travail
- Le travail en mode distribué, qui permet de travailler de partout dans le monde
- La transparence, qui impacte fortement la culture de l’entreprise
- Une organisation horizontale, avec “plus de marge de manoeuvre, de leadership et de gouvernance pour les collaborateurs”
De plus, le fondateur de Flint estime qu’il faut considérer davantage la formation des collaborateurs et collaboratrices qui possède selon lui “un échantillon de facettes multiples”, comprenant également des temps de lecture, des temps de réflexion et “des temps à ne rien faire”. “Parfois, on se forme en ne faisant rien, parfois on a juste besoin que son cerveau avance tout seul, le sommeil étant le meilleur des exemples”, souligne-t-il. Les collaborateurs doivent être encore plus accompagnés dans le travail de leurs soft skills ainsi que sur leur profil psychologique, affirme le CEO de Flint pour qui la formation est “la base de tout”.