Chaque année, des milliers de personnes décident de changer de métier grâce à la reconversion professionnelle. Cette tendance s’est particulièrement accrue ces dernières années, à fortiori depuis l’épidémie de Covid-19. Désormais, faire carrière pendant des dizaines d’années au sein d’une même entreprise est devenu chose très rare.
En outre, la crise sanitaire, engendrée par la pandémie, a provoqué de grosses remises en question chez les actifs. Ces derniers, en quête de sens dans leur travail, sont nombreux à avoir sauté le pas de la reconversion. GetPro a eu le plaisir d’échanger avec trois d’entre eux : Charline, Alissone et Yohann, qui ont décidé de reprendre les rênes de leur carrière professionnelle.
Des changements de vies aussi ambitieux que courageux, mais qu’aucun d’entre eux ne regrette.
“Je ne supportais plus l’agressivité des gens”
Pour Alissone, développeuse web de 33 ans, la reconversion professionnelle était “une nécessité”. “Il en allait de ma santé mentale”, explique la jeune femme qui, initialement, souhaitait s’orienter vers le social. Après un bac L option Théâtre, elle avait entrepris une formation pour devenir éducatrice spécialisée. “Cette formation a été avortée en deuxième année, car je me suis retrouvée à vivre dehors, dans ma voiture. Difficile à ce moment-là de conserver une vie ‘normale’”, confie Alissone.
Alors, sa priorité a été de trouver un travail, afin de subvenir à ses besoins et de stabiliser sa situation. “J’ai donc travaillé dans la grande distribution où j’ai fait de la mise en rayon pendant environ 1 an. Ce qui m’a permis d’avoir mon appartement”. Par la suite, Alissone s’est dirigée vers le secrétariat médical. Après son contrat de professionnalisation, elle exercera finalement ce métier pendant 8 ans.
“Deux burnouts plus tard et le décès de ma maman, m’ont fait prendre conscience de l’urgence pour moi de faire autre chose”, explique-t-elle. “Après 8 ans dans un métier d’accueil, je ne supportais plus l’agressivité des gens, leur manque de respect, la violence que j’y voyais tous les jours. J’avais déjà vécu un premier burnout en 2015 et en 2016, ma maman décède d’un cancer foudroyant. Sa maladie et son décès ont bouleversé ma vie.
Reconversion professionnelle : de secrétaire médicale à développeuse web
En 2018, je prends conscience de la situation dans laquelle je suis : je fais un boulot que je subis chaque jour, je m’éteins petit à petit, je ne fais plus aucun projet et je suis en arrêt maladie depuis 4 mois pour dépression. Les médecins qui me suivent sont unanimes : je dois changer de métier”, relate Alissone.
Et c’est auprès de l’informaticien du cabinet médical dans lequel elle exerçait, que la jeune femme a eu sa révélation. “Il me répétait toujours qu’il manquait de femmes dans ce domaine. Alors, de “Moi dans l’informatique ? Jamais !”, je suis passée à “Moi dans l’informatique ? Pourquoi pas !”, puis à “Moi dans l’informatique ? Allez, on essaie !”, se remémore-t-elle.
Après sa formation “bootcamp”, dans laquelle elle s’est lancée à corps perdu, Alissone a travaillé pour Hellia, Germinal et dans une société d’édition. “Finalement, fin 2021, je pose mes valises chez Swile, jeune et belle licorne qui révolutionne l'expérience des salariés”, se réjouit-elle.
Quand la vie personnelle rattrape la vie professionnelle
Pour Charline, 32 ans, les reconversions ont commencé dès sa scolarité. “Hormis la maternelle et le primaire, je n'ai jamais aimé l’école”, se souvient-elle. Alors, quand ses professeurs et son proviseur ont refusé qu’elle se dirige en bac général après le brevet, Charline les a écoutés et a décidé, par défaut, de faire un CAP coiffure. Mais problème, bien qu’elle ait obtenu son diplôme, la coiffure ne lui plaisait pas du tout. Alors, Charline s’est redirigée vers un bac pro comptabilité en trois ans. “Je voulais quelque chose de ‘généraliste’ dirigé vers l'administratif”, explique-t-elle.
Mais une fois son bac en poche, ses enseignants l’ont une fois de plus découragée à poursuivre les études qui lui plaisaient, à savoir un BTS en alternance. Selon eux, “étant donné que nous sortions d'un bac pro nous n'étions pas capables de réaliser un BTS en alternance, car les cours sont très soutenus avec le rythme entreprise/école”. En suivant une nouvelle fois leurs conseils, Charline a alors démarré un BTS en formation initiale. Et comme pour le CAP coiffure, elle n’y a pas trouvé son compte et a fini par arrêter à la fin de la première année pour travailler à temps plein.
Un an plus tard, Charline décide de suivre ses envies et recommence un BTS en alternance. Elle obtient finalement son diplôme et décide de poursuivre ses études avec une licence en ressources humaines, toujours en alternance. “Cependant, la vie en a décidé autrement. Je tombe enceinte pile à la fin de mon contrat pro et je fais une pause professionnelle. De là, je prends un congé parental de trois ans car j'enchaine deux grossesses rapprochées”, confie la jeune femme.
Reconversion : “C’était le moment de réaliser mon projet”
“Après ces trois années de pause, je retourne sur le marché du travail en tant que gestionnaire SAV avec un CDI, mais toujours avec l'idée de reprendre, quand je serais prête, une licence RH en alternance. Trois années de mon CDI s'écoulent, est passée par là la crise du coronavirus et l’envie de changement se fait ressentir. Je prends donc mon courage à deux mains et décide de reprendre mes études avec toutes les concessions qui s'en suivent”, poursuit Charline.
C’est en septembre 2021, alors qu’elle a 31 ans et deux enfants de 5 et 3 ans et demi, que Charline décide de reprendre les études qui lui font de l'œil depuis plusieurs années : les ressources humaines. “Je ne sais pas si on peut parler de reconversion à 100%, puisque c'est un souhait que je gardais dans le coin de ma tête depuis quelques années. J'ai eu mon BTS en 2015 et j’ai repris la licence en 2021. Il s'est écoulé six années entre temps et l’idée de faire cette licence n’a jamais quitté mon esprit”, affirme la jeune femme.
L’envie de se challenger combiné à la crise du Covid-19, c’est ce qui a poussé Charline à sauter le pas. “J’ai senti que c’était le moment de réaliser mon projet. De plus, j'ai toujours eu une appétence pour les ressources humaines et je voulais vraiment découvrir ce métier”, ajoute-t-elle.
“Je ne me voyais pas être relégué dans un bureau le reste de ma carrière”
De son côté, Yohann, 33 ans, a pris un virage à 360°. Après un bac STI génie mécanique, il a souhaité intégrer la gendarmerie nationale. “Les valeurs militaires telles que la rigueur, la discipline et le service public, étaient des éléments qui me plaisaient. J'ai donc passé le concours de gendarme adjoint volontaire, que j'ai eu et j’ai exercé pendant 3 ans, avant de passer et obtenir le concours de Sous-Officier en 2011”, indique Yohann.
“Après une formation d’un an en école spécialisée à Montluçon, j'ai exercé pendant 4 ans en escadron de gendarmerie mobile, principalement sur des déplacements outre-mer et métropolitains et sur du maintien de l'ordre. Lassé de ce mode de vie nomade (plus de 200 jours à l'extérieur de son domicile), j'ai voulu intégrer une spécialité qui m'a été refusée suite à une opération bénigne”, confie Yohann.
Ce refus a été l’élément déclencheur de sa reconversion professionnelle. “Je ne me voyais pas être relégué dans un bureau le reste de ma carrière, sous prétexte qu'un médecin militaire pourrait potentiellement me juger inapte au service”. En effet, le jeune homme explique que, dans la gendarmerie, chaque membre du corps est noté de 1 à 4, 1 étant le meilleur, et 4 le pire. “À partir du moment où vous avez subi une opération, la zone concernée tombe directement dans la zone 4. Et pour candidater à des spécialités en gendarmerie, chaque section possède son classement, mais toutes refusent qu'un membre soit classé 4. Donc peu importe ce que je souhaitais faire, j'étais bloqué”, se remémore-t-il.
De la gendarmerie nationale à l’éducation nationale
C’est à ce moment-là que Yohann a pris la décision de changer de carrière et de se concentrer sur un autre domaine qu’il affectionne tout particulièrement : le sport. “La gendarmerie a fait émerger mon potentiel sur certaines disciplines et surtout ma capacité à encadrer et être pédagogue sur la pratique sportive. C'est là que je me suis dit que devenir enseignant d'EPS me permettrait d'allier ma passion pour les sports et l'enseignement de la pratique sportive”, précise le jeune homme.
Alors, à l’âge de 26 ans, Yohann est retourné sur les bancs de la faculté et a décroché une licence STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives) puis a obtenu son Master 2 en 2020. Malgré deux échecs au concours du professorat de sport, la persévérance de Yohann a fini par payer. En 2022, l’obtention de son concours vient sceller sa reconversion professionnelle, 7 ans après l’avoir commencée.
Les difficultés rencontrées pour se reconvertir
Il faut en être conscient, se lancer dans une reconversion professionnelle n’est pas chose aisée. Beaucoup de détermination et de volonté sont nécessaires pour surmonter les nombreuses périodes de doutes qui peuvent faire face au cours de cet important changement.
Pour Charline, Alissone et Yohann, l’une des plus grosses difficultés était d’origine financière. “C’était difficile de revenir au Smic, même si je ne gagnais pas des mille et des cents”, admet Charline. “Se reconvertir c’est génial, mais encore faut-il en avoir les moyens”, poursuit Alissone. “Il faut pouvoir vivre pendant un certain temps avec moins de ressources et pouvoir financer la nouvelle formation”, rappelle la développeuse web. “J'ai dû travailler en parallèle de mon Master pour financer mes études et ce fut une difficulté supplémentaire, même si j'ai eu beaucoup de chance avec un soutien financier de ma mère”, confie pour sa part Yohann.
“La charge mentale est énorme, heureusement que j'ai eu le soutien de mon mari et de mes proches, car j'ai voulu baisser les bras plus d'une fois”, complète Charline. En effet, notre entourage a un impact très fort sur notre vie, que ce soit positivement ou négativement. Alisonne souligne pour sa part la difficulté d’avoir un entourage qui projette ses propres craintes sur vous. “Ils n’ont pas toujours tort en effet, mais si on laisse la peur nous guider alors on ne fait plus rien”, insiste-t-elle.
“Si c’était à refaire, je le referais”
Malgré les difficultés rencontrées, nos trois reconvertis sont unanimes : s’ils devaient recommencer, ils le referaient assurément. “Tout ce que j’ai vécu pendant ce changement de vie fait partie de moi et m’a conduit là où j’en suis ! Je n’ai rien à regretter et je le referai sans soucis !”, plaide Alissone.
Pour Charline, sa plus grande fierté a été de concilier étude et vie de maman. C’est pourquoi après validé sa licence RH, la jeune femme poursuit sa reconversion avec un Master RH en alternance, sur deux ans. “Je suis folle”, plaisante celle qui ne veut “surtout pas avoir de regrets”. De son côté, Alissone est fière d'être “parvenue à faire preuve d’autant de résilience” et d’avoir réussi sa reconversion. “Je suis fière d’avoir réussi à faire de mes obstacles une force”, confie-t-elle.
“Ma plus belle fierté est d'avoir réussi cette reconversion 7 ans après son début. Je n’ai pas lâché et je me retrouve au 1er septembre à nouveau fonctionnaire, mais cette fois-ci à l'éducation nationale”, se réjouit pour sa part Yohann.
Quels conseils pour se reconvertir professionnellement ?
Si les parcours de Yohann, Alissone et Charline vous ont inspiré, si vous aussi, vous souhaitez vous reconvertir, mais que vous avez encore des doutes ou des craintes, alors ces quelques conseils vous sont destinés.
“Assurez vos arrières financiers, veillez à avoir de quoi vous nourrir et payer vos factures, mais ne cherchez pas une vocation ou quelque chose que vous vous voyez faire toute votre vie. Cherchez ce dont vous avez envie/besoin aujourd’hui. Donnez-vous à fond, travaillez dur et soyez ouvert d’esprit pour ne pas louper les opportunités qui se présentent”, conseille la développeuse web.
“Il n’y a rien de pire que de vivre avec des regrets, alors fonce ! Sans regarder derrière toi”, martèle pour sa part Charline. “En revanche, il ne faut jamais sacrifier sa santé mentale. Si ton corps et ta tête te disent stop, tu stoppes. Et surtout il est primordial d’être bien entouré et d’avoir du soutien”, ajoute-t-elle.Enfin, pour Yohann, le plus important est “de croire en ses capacités”. Avec de la motivation, tout le monde peut y arriver. “Il ne faut pas retenir l’échec comme une défaite, mais comme une leçon”, conclut le tout nouveau professeur d’EPS.