Vous pensez que l’univers de la tech, des startups est un exemple de diversité et de mixité ? Les chiffres révèlent malheureusement l’inverse. Les femmes se font encore trop rares dans les entreprises tech. Selon le rapport DESI 2020, seulement 18 % des spécialistes des TIC (technologies de l’information et de la communication) en Europe sont des femmes… Les causes de cette sous-représentation sont multiples. Voici un tableau de la situation, les raisons de ce déséquilibre et les freins rencontrés par les femmes. Nous verrons ensuite quelles peuvent être les solutions pour aller vers plus de parité.
Les femmes, sous-représentées dans la tech
Selon une enquête réalisée par Urban Linker en 2018, 28 % des salariés dans les métiers de la tech sont des femmes contre 48 % dans l’ensemble des secteurs et seulement 8 % des dirigeants de startups. Et pour couronner le tout, lors de la création de celles-ci, les femmes lèvent en moyenne deux fois moins d’argent que les hommes. Bien entendu, elles gagnent bien moins que leurs homologues masculins dans ce secteur comme ailleurs.
Ce triste bilan s’est aggravé ces dernières années. En 2022, elles sont par exemple à peine 3 % à la tête d’une startup dans les FinTech et AssurTech de moins de 3 ans, contre 7 % en 2021. Beaucoup ont perdu leur emploi ces derniers mois, la crise sanitaire et la récession les ayant plus impactées que les hommes.
Un déséquilibre qui n’est pas sans conséquences
Ce déséquilibre a des conséquences éthiques, économiques et peut devenir contre-productif.
- Économique, car le numérique est un secteur moteur. Il recrute de plus en plus. Or si ses entreprises connaissent de belles croissances, elles se privent de la moitié des talents. Selon une étude du cabinet McKinsey, les entreprises tech intégrant des femmes superforment jusqu’à 15 % !
- Éthique, car les femmes n’ont pas accès à des opportunités d’emplois bien rémunérées.
- Par ailleurs, les équipes exclusivement masculines de certaines sociétés et startups peuvent perpétuer des stéréotypes de genre. En effet, comment peuvent-elles répondre aux besoins de toute une population sans représentation de plus de sa moitié ?
La place des femmes dans la tech : une question de culture ?
Machisme, discrimination, attentes sociétales surannées, manque d’intérêt, etc. Les raisons de la faible représentation des femmes dans les métiers de la tech sont nombreuses.
Tout commence dès l’orientation scolaire qui n’est pas favorable à l’entrée des filles dans les filières scientifiques. Ses mécanismes sociologiques et psychologiques n’ont guère changé depuis des lustres et s’inscrivent dans un problème de société plus global. Les stéréotypes des parents, des médias, des influenceurs maintiennent des schémas ancestraux sur le caractère masculin de ces métiers. Ainsi, si les filles sont tout aussi bonnes à l’école en sciences que les garçons, elles se cantonnent dans les secteurs du service et du soin. De plus, l’aura de prestige des filières scientifiques peut les intimider.
C’est tout particulièrement dans l’informatique que la part des femmes régresse depuis vingt ans. Toutes les écoles enseignant cette discipline le constatent, et même des institutions récentes et séduisantes comme l’école 42 fondée par Xavier Niel. Clairement moins nombreuses, les femmes y subissent par ailleurs des comportements machistes et luttent contre un sentiment d’illégitimité.
Cet état de fait est étonnant quand on examine un peu l’informatique et la tech dans l’histoire. Ces secteurs n’ont pas toujours été dominés par les hommes, bien au contraire.
Les femmes, pionnières de l’écosystème tech
L’informatique et la programmation par exemple, doivent paradoxalement en grande partie leur existence aux femmes. Ainsi, lors de la Seconde Guerre mondiale, pendant que les hommes étaient sur le front, elles ont porté leurs efforts sur l’informatique. Lorsque dans les années 50 les premiers ordinateurs voient le jour, c’est surtout grâce aux femmes.
L’histoire a connu de grandes pionnières :
- Ada Lovelace, fille du poète Lord Byron et de la mathématicienne Milbanke, développe le premier programme informatique en 1843.
- En 1941, Hedy Lamarr, actrice et productrice de cinéma, dépose une demande de brevet pour sécuriser les télécommunications. Son procédé est toujours utilisé pour les liaisons Bluetooth et Wifi.
- L’ENIAC, un des premiers ordinateurs, a été programmé par des femmes en 1945.
- Grace Hopper, informaticienne américaine (1906-1992), développe le premier compilateur (programme associant un code source à un langage plus accessible pour les développeurs) en 1952 puis invente le langage COBOL en 1959.
- Le 21 juillet 1969, la mission Apollo 11 permet le premier pas de l’homme sur la Lune. Les programmes des ordinateurs de bord ont été pensés par Margaret Hamilton. Celle-ci est aussi à l’origine du terme « software engineering ».
Jusque dans les années 70, les femmes sont ainsi très présentes dans le secteur. La situation s’inverse dans les années 80. Pourquoi ?
L’informatique, longtemps considérée comme du service et du support, devient alors prestigieuse, stratégique pour les entreprises et les États. Par conséquent, les hommes se tournent en masse vers ces métiers, au détriment des femmes. De plus, les PC se transforment alors en objets de consommation courante à destination d’une cible en majorité masculine qui apprend alors à coder. L’arrivée des jeux vidéos, aux univers très masculins, vient renforcer ce phénomène d’exclusion des femmes.
Aller vers plus de parité : quelles solutions ?
Le sujet du manque cruel de diversité dans l’univers de la tech est discuté depuis longtemps. Mais des initiatives concrètes apparaissent seulement depuis une dizaine d’années.
Trois évènements ont été à l’origine de la prise de conscience :
- En 2012, il y eut le procès d’Ellen Pao portant plainte contre son entreprise sise dans la Silicon Valley pour discrimination.
- En 2015, le ton est donné. Google et Intel investissent pour augmenter la diversité de leurs équipes.
- En 2016, "Elephant in the Valley" a réalisé une étude qui relate la difficulté qu’ont les femmes à travailler dans cet environnement machiste.
Depuis lors, associations, réseaux et gouvernements multiplient les initiatives en ce sens. Et ce, notamment dans les écoles. Au travers de la pédagogie, les filles doivent être intéressées et séduites par l’univers de la tech.
On peut citer aux États-Unis Girls Who Code fondée en 2012 par Reshma Saujani. L’organisation propose des formations tout au long de l’année et des stages estivaux aux lycéennes pour les initier au code dans des entreprises partenaires telles qu’Uber, Microsoft, Walmart, etc.
Créée en 2014, la Wild Code School est basée en Eure-et-Loir mais est présente sur de nombreux campus français. Elle forme des développeuses aux langages les plus recherchés sur le marché.
Girls in Tech voit le jour en 2007 à San Francisco. Elle oeuvre dans le monde entier à l’engagement des femmes dans la tech. Sa cousine française, StartHer fondée en 2010 veille aussi à susciter des vocations chez les jeunes filles et femmes. Elle est forte d’une communauté de 30 000 personnes.
L’association Elles bougent vise à recruter plus de femmes ingénieures. De nombreuses entreprises l’ont rejointe comme Airbus, PSA, SNCF, etc.
Recruteurs, managers, comment pouvez-vous agir ?
Si vous êtes recruteur, vous pouvez agir à votre niveau pour intégrer plus de femmes à vos équipes. Veillez tout d’abord à travailler vos biais cognitifs qui peuvent influencer vos choix inconsciemment. De plus, vous devez proposer exactement le même entretien, les mêmes questions à tous les candidats. En amont du recrutement, vos descriptions de postes, la présentation de votre entreprise et de ses valeurs doivent être neutres. Pour en être assuré, vous pouvez les soumettre à des focus group dédiés. Il existe également des outils digitaux équipés d’une IA qui peuvent vous aider, à l’instar de Textio. Adoptez aussi une posture active de recrutement des candidates : présence sur des réseaux féminins, à des évènements ciblés, sollicitations de referrals féminins, etc.
En tant que manager, il est important que votre entreprise intègre une culture inclusive, un environnement de travail favorable à la fidélisation de vos talents féminins : flexibilité, télétravail, souplesse des horaires, etc. Augmentez également leur visibilité et mettez en avant des rôles modèles féminins (vidéos, blogs, etc.).