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Date

28 décembre 2022

Catégorie

Enjeux RH

Congé menstruel en entreprise : et si on en parlait ?

Congé menstruel en entreprise : et si on en parlait ?

 

Ce vendredi 28 mai sera marqué par la journée mondiale de l’hygiène menstruelle. L’occasion de revenir sur ce sujet, encore tabou, qui concerne quelque 15,5 millions de françaises, âgées entre 13 et 50 ans. Il faut savoir que la date du 28 mai n’a pas été choisie par hasard pour cette journée internationale. En effet, le nombre 28 correspond à la durée moyenne d’un cycle menstruel. Le mois de mai est le 5ème de l’année : soit le nombre de jours moyens de la durée des règles. 

En moyenne, les menstruations interviennent pendant 38 ans, de la puberté jusqu’à la ménopause. Si on se base sur une durée moyenne de cinq jours par mois, cela signifie qu’une femme passe 2.280 jours de sa vie en ayant ses règles, selon les chiffres de Vie publique. Si la parole tend à se libérer, les menstruations restent, encore de nos jours, un sujet tabou. 

De plus, les règles ne sont pas vécues par toutes les femmes de la même façon. En effet, certaines vivent cette période comme un réel moment de souffrance. Selon un sondage Ifop, dévoilé en mars 2021, 68% des françaises sont favorables à un congé menstruel pris en charge par l’Assurance Maladie. (Enquête menée auprès d’un échantillon de 1.009 femmes, représentatif de la population féminine française âgée de 15 à 49 ans).

“Il faut donner l’exemple et montrer que ça marche”

Pour Thomas Devineaux, CEO et fondateur de l’entreprise Louis, “il faut arrêter d’attendre que cela vienne d’en haut. Nous, en tant que citoyens et entrepreneurs, on peut faire bouger les lignes et changer les choses à notre niveau”. Ainsi, depuis mars 2022, toutes les femmes travaillant dans cette start-up toulousaine, spécialisée dans le mobilier de bureau 100% personnalisable, peuvent poser une journée de congé par mois, pour se reposer pendant leurs menstruations. 

Cette décision est intervenue suite à la suggestion d’une employée, Lucie, qui a demandé si ce modèle déjà existant à l’étranger pouvait être appliqué à l’entreprise. En effet, le Japon a été pionnier sur le sujet puisqu'il est le premier pays à avoir officiellement mis en vigueur le congé menstruel en 1947. En France néanmoins, les entreprises pratiquant ce congé se comptent encore sur les doigts de la main. 

“Le combat est tellement énorme. C’est aux citoyens et aux entreprises de faire bouger les choses pour qu’après la loi change, mais il faut arrêter d’attendre que ce soit l’État ou le gouvernement qui ponde une loi sur ces sujets-là. Il faut donner l’exemple et montrer que ça marche pour faire avancer les choses”, plaide l’entrepreneur. 

Louis étant une entreprise déjà très engagée dans l’égalité hommes-femmes, la proposition d’un congé menstruel a immédiatement été reçue avec enthousiasme par les collaborateurs et l’équipe dirigeante. “Instinctivement on a dit oui. Et je pense que c’est un sujet hyper important qui doit être construit par toute l’équipe, et pas seulement par trois fondateurs hommes qui imposent du jour au lendemain une vision du congé menstruel à toute son équipe”, explique Thomas Devineaux. 

En pratique, comment mettre en place un jour de congé menstruel ? 

La mise en place du congé menstruel chez Louis a été rendue possible grâce à l’investissement et l’accord des 18 collaborateurs. “La condition sine qua none pour intégrer cet outil était que tous les salariés de Louis soient d’accord”, assure Thomas Devineaux. Ainsi, une charte de consentement a été créée dans l’entreprise. “On voulait que tout le monde l’accepte, de bonne volonté, pas juste pour faire plaisir”, explique le fondateur de Louis. Désormais, chaque nouvel employé qui intègre l’équipe doit signer cette charte. “Si la personne ne veut pas, ce n’est pas grave, mais c’est qu’on n’est pas aligné et qu’on ne peut donc pas travailler ensemble. On a conduit ce projet de la manière la plus inclusive possible”, précise-t-il.

Le congé menstruel proposé par la start-up toulousaine se déroule de façon simple : “Chaque femme qui veut utiliser son congé menstruel n’a pas besoin de l’autorisation d’un médecin, ni de son manager”, explique le dirigeant. “Elle prévient son manager qu’aujourd’hui, demain, ou dans la semaine si elle peut anticiper, elle ne sera pas là”. 

Bien entendu, cette journée d’absence est un congé supplémentaire et n’aura aucun impact sur le salaire de la salariée. “C’est un outil qui va être utilisé avec parcimonie, mais quand il sera utilisé ce sera pas réelle nécessité”, assure Thomas Devineaux.

Libérer la parole et déconstruire le tabou autour des règles

Les femmes perdent en moyenne 30 à 40cl de sang pendant leurs menstruations et 60 à 80 ml lors de règles abondantes. Pour certaines femmes, les douleurs sont parfois si intenses que travailler peut devenir très compliqué. “Nous avons une activité de production, on a des gens qui font un travail manuel qui est assez physique (...) supporter une journée de 7h à porter des charges, poncer et être debout toute la journée”, peut être difficile pendant les règles, souligne Thomas Devineaux.

L’objectif de ce congé menstruel est de “libérer la parole, comme on l’a toujours fait sur le reste, qu’on puisse parler librement des règles et déconstruire le tabou qu’il y a autour de ça”, plaide Thomas Devineaux. 

Les règles “ce n’est pas une maladie, c’est naturel et les femmes n’y peuvent rien”, rappelle le CEO qui a mis en place le congé menstruel dans son entreprise dans le but de participer à l’amélioration des conditions de travail “et pas de faire de la discrimination positive”.

Le congé menstruel pour la femme est-il stigmatisant ? 

La mise en place d’un congé menstruel est perçue par certains comme stigmatisant. Pour Thomas Devineaux, la réponse est claire : “Il est stigmatisant si vous êtes dans une boîte où la culture n’est pas saine. Nous on a été capable de faire ça parce qu’on a pris le temps de construire une culture chez Louis où il n’y a pas de place pour le sexisme. On est déjà proactif dans l’égalité homme-femme, on est sur un mindset beaucoup plus ouvert et progressiste, donc pour nos salariés ce type de question ne se pose pas” déclare le chef d’entreprise.

Pour certains réfractaires, la mise en place d’un congé menstruel reviendrait à “accepter qu’il y a une différence naturelle. Mais elle existe cette différence et il faut l’accepter”, plaide le CEO de Louis avant de souligner que, si elle est réelle, “cette différence n’induit pas de lien de subordination ou de supériorité”.

L’objectif de la start-up toulousaine est également de “montrer que les règles ne sont pas du tout incompatibles avec un travail physique ou pénible, parce que c’est peu de jours par an”. Le congé menstruel “est un petit bonus qui va permettre de soutenir une contrainte naturelle”, ajoute Thomas Devineaux, pour qui la société n’est pas assez éduquée à ce sujet. 

Un conseil : travailler sa culture d’entreprise 

“Le plus important c’est de travailler sa culture d’entreprise et de communiquer en interne”, assure le dirigeant. Selon lui, si le projet est un succès chez Louis, c’est “parce qu’il a été monté en équipe”, et que cela n’a pas été imposé par l’équipe dirigeante. “La co-construction est primordiale pour que le projet puisse aboutir”, conseille Thomas Devineaux. 

Le chef d’entreprise aimerait que les citoyens, les dirigeants, la société de manière générale, s'intéressent davantage à ce type de sujet. “Notre mission c’est de pouvoir ouvrir le débat, et si on inspire des entreprises, qu’on permet au moins de parler de ce sujet-là et que ce ne soit plus un tabou et bien ce sera déjà une victoire”, conclut-il 

Date

28 décembre 2022

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Enjeux RH

Rédigé par
Thomas Motti
Thomas Motti
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